Les Pêcheries de Cancale

Extrait de “Cancale 2000 ans d’histoire détaillée” de Thierry Huck
paru aux
 Editions du Phare à Cancale

 

      Les pêcheries sont des installations fixes, implantées dans les grèves de la baie entre le niveau haut et bas des marées. La ligne qu’elles forment est parallèle au rivage.

     Une pêcherie, appelée aussi “bouchot”, forme un grand V dont la pointe est dirigée vers le large. Le piège est composé de deux pannes se rejoignant à un goulet où l’on fixe la bourrache retenant le poisson. Les pannes mesurent environ 250 mètres. Elles sont formées par un clayonnage de branchages entrelacés interdisant tout passage au poisson. Ces derniers suivent cet épais tapis et terminent leur fuite dans la bourrache. C’est dans cette nasse que se font les plus grosses prises.

     Les détenteurs de pêcherie ne sont pas des inscrits maritimes, mais reconnus comme pêcheurs à pied, même si une embarcation est utilisée pour y accéder.

     Les premières traces écrites de cette technique de pêche se trouvent dans 2 chartes de 1177 et 1184. Il y est fait état de 2 pêcheries situées l’une à Cherrueix, l’autre dépendant de Lillemer, sans doute implantée à Saint-Benoit.

     Au 16ème siècle, une quarantaine de bouchots s’alignent autour de la baie. De nombreux conflits s’élèvent  entre les maîtres de bateaux pêcheurs et les détenteurs de pêcheries. Ces derniers sont accusés de détruire la ressource. Un édit de mars 1584 promulgué par Henri III décide la suppression des bouchots.

     Malgré les interdictions répétées, il semble que les pêcheries continuent de fonctionner.

     Un recensement des pêcheries daté de 1732 nous renseigne sur le nom des propriétaires et locataires :

  • Celle nommée Deslandes, placée par le travers de Château-Richeux, appartenant à la dame Porée et occupée par François Gervin.
     

  • Celle nommée Porcon, placée par le travers de la terre de Porcon, appartenant et occupée par Robert Prévert de Cancale.
     

  • Celle nommée Bougue, placée par le travers et sous le Vaulerault, appartenant au marquis de Berringhen, seigneur du Plessix-Bertrand, occupée par Olivier Herbert de Cancale.
     

  • Celle nommée Fosse Hingant, placée au travers de Roche Noire, appartenant au sieur Trublet de Nermond, occupée par Raoul Jagoret. (elle est à la limite de Cancale et Saint-Méloir).
     

  • Celle nommée la Troisième, placée au travers de Bordelet, appartenant au marquis de Berringhen, seigneur du Plessix-Bertrand, et occupée par Robert Prévert.
     

  • Celle nommée du Rouvre, placée par le travers du Vauhariot, appartenant au Sieur de Langrollay Gouin, occupée par Olivier Herbert.
     

  • Celle nommée la Première, placée par le travers du Fort Royal, appartenant au marquis de Berringhen, occupée par Julien Prévert.

     En 1750, Gilles Trotin, Sieur des Maizières, et sa femme Françoise Lanjulien, habitant à la Houle, prennent en charge la pêcherie nommée Jean Martin Martinet ou pêcherie Collet située à Cancale.

     Au nord, il y a la pêcherie de Bricourt appartenant au Sieur Gouin de Rouvre et ses soeurs, au sud la pêcherie de la Fosse Hingant.

     Au seuil de la Révolution, un changement de propriétaire semble préfigurer les évènements prochains. En effet, les pêcheries n’appartiennent plus à des nobles ou à des personnages importants. La liste des nouveaux détenteurs le prouve :

  • 1ère, propriétaire Julien Herbert, fermier Jean Geffroy.

  • 2ème, propriétaire Julien Herbert, fermiers Guillaume Guiller et Jean Quiev.

  • 3ème, propriétaires François et Guillaume Trotin, fermiers Guillaume Trotin et Lesné.

  • 4ème, propriétaire et utilisateur François Launay de Terrelabouet.

  • 5ème, propriétaire Madeleine Herbert, fermier Julien Herbert de Terrelabouet (il est aussi en possession des 2 premières).

  • 6ème, propriétaire veuve Henri Roussel habitant Saint-Benoit, fermier François Madiou.

     Au  19ème siècle, les bouchots font l’objet de nombreuses enquêtes. Certains patrons de navires de la baie et les innombrables pêcheurs à pied protestent de la destruction du petit poisson. La crise touchant la pêche pousse les autorités à réguler et réglementer sévèrement les prises. Un décret du 14 juillet 1853 ordonne le recensement général des pêcheries afin de déterminer les installations nuisibles à la navigation. Seules les 3 premières pêcheries, situées face au port de la Houle, sont condamnées à être détruites rapidement. Les propriétaires ne touchent aucune indemnisation.

     Les maîtres de bateau de Cancale s’associent à un mouvement de protestation en adressant une pétition signée par 181 personnes, où ils reconnaissent l’utilité des pêcheries. La raréfaction du poisson aura raison de la majeure partie des pêcheries. Devenues peu rentables par rapport au colossal travail d’entretien, elles sont abandonnées une à une.

     La dernière pêcherie de Cancale nommée la Fosse-Hingant, mais appelée communément la quatre, sera exploitée jusque dans les années 1960. Aujourd’hui, la conservation des traditions fait que ce mode de pêche n’est pas tout à fait éteint. A chaque marée, quelques pêcheurs continuent à descendre ramasser ce que la mer a laissé dans la bourrache.

 

Extrait de : “Cancale 2000 ans d’histoire détaillée” de Thierry Huck
aux
 Editions du Phare à Cancale

Et, incontournable ! :  L'article de Michel PELÉ 
paru dans
Le Rouget de Dol, n° 50, 2nd trimestre 1986.

Les pêcheries de la Baie du Mont-Saint-Michel, des origines à nos jours,

 

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