Le naufrage du corsaire "La Clarisse"

  N'hésitez pas, S.V.P, à nous transmettre toutes informations permettant de relier les acteurs de ce drame à notre arbre.
  Récit de GAUDE
Récit de l'Abbé Th. JUHEL 
Les marins ayant péri dans le naufrage

Récit de GAUDE écrite à l'amiral Decres, ministre de l'empire, le 22 février 1807, quatre jours après le drame. Cette lettre a été publiée par l'Abbé ROBIDOU dans "Les derniers corsaires malouins" et retranscrite dans le n° 4 des "Amis de St Jacut" et dans le n° 9 des " Cahiers de la vie de Cancale"


     Du 16 au 19 de ce mois nous avons éprouvé une violente tempête, les vents venant du N. ou N-0. Elle a causé la perte du corsaire "la Clarisse", armé par MM. Villehuchet et Lachambre, commandé par le Sr Geffroy, ci-devant enseigne auxiliaire.
 

      
Ce corsaire, chassé par une frégate ennemie, s'était réfugié dans la rade des Ebihens. Surpris par la tempête, dont rien n'abrite cette rade, et ayant rompu ses câbles, il a tenté d'entrer dans une petite crique, connue sous le nom de Port La Chapelle, mais, ayant touché à l'entrée, où il n'y avait point assez d'eau pour le recevoir, il a été jeté sur un rocher, s'y est ouvert et a coulé. Cet événement a eu. lieu le 18 vers 9 h. du matin.

 Dès que les signaux me l'eurent fait connaître, je tentais d'envoyer une chaloupe armée au secours du bâtiment en danger, mais la mer était si terrible et les vents si violents que cette chaloupe ne put doubler la pointe de la Cité et fut obligée de rentrer après avoir été 20 fois sur le point d'être submergée.

 

     
Le naufrage de "La Clarisse" par Serge Dupoux
La Charbotière à 9h du matin
Très gros temps de N/NO - hauteur d'eau : 5 m.

 

      D'après les rapports qui sont parvenus, le bâtiment ne pourra pas être relevé. Des 36 hommes qui composaient l'équipage, 16 ont péri, 20 ont été sauvés, mais, parmi ces derniers, il en est plusieurs que le froid, les fatigues et les contusions reçues en abordant la terre ont mis dans un état qui fait craindre pour leur vie.

      Les habitants de St-Jacut ont montré dans cette circonstance beaucoup de dévouement et se sont exposés aux plus grands dangers pour arracher à la mer quelques-unes de ses victimes. On doit des éloges particuliers au courage du nommé Dominique Le François, qui, le premier, s'est jeté à la mer et a, par son exemple, encouragé les Jacuains et seul a sauvé 4 hommes. Les armateurs sont sur les lieux.       

      Les noms des 16 marins ayant péri dans le naufrage enregistrés dans le registre des décès de la mairie de Saint-Jacut :

      - François NOUAIL, de Saint-Malo, écrivain
      - Valentin LEMAIGRE, de Saint-Malo, enseigne
      - Julien GREZET, de Saint-Malo, maître d'équipage
      - François LECOSSOIS, de Cancale, 2ème maître d'équipage
      - Michel CHEVALIER-JOLIF, de Saint-Malo, cuisinier
      - Jean-Pierre RICHEUX, de Plouër, matelot
      - Guillaume ERNOUL, de Saint-Suliac, volontaire
      - Jean FOIS-DUFOSSE, de Tourville, volontaire
      - Louis GUILLARD, de Cancale, novice
      - Pierre-Jean CARRE, de Saint-Suliac, novice
      - Olivier PICOT, de Saint-Méloir, mousse
      - Jean-Baptiste PARMENTIER, de Saint-Malo, mousse
      - Mathurin REBUFFET, de Pleurtuit, novice
      - Julien Servan HERVE, de Saint-Benoit, novice
      - Pierre Marie PAPAIL, de Plerguer, novice
      - François Jean LEGRAS, de Saint-Malo,matelot
       

           

 On peut noter parmi les rescapés :


Le récit du naufrage par l'Abbé Th. Juhel, réalisé vers 1880-1890 à partir de renseignements de tradition verbale et publié dans les « Notices sur Saint-Jacut-de-la-mer et l’Abbaye royale du même lieu », Rennes 1933


C'était en 1812, probablement au mois de septembre. Une tempête de nord-est soufflait  sur nos côtes. Les navires se réfugiaient au pont des Ebihens , et les bateaux de pêche de Saint-Jacut rentraient au Châtelet. A quelques encablures du rocher de la Cherbotière était venu mouiller un corsaire malouin qui faisait partie de cette escadrille, commandée par le célèbre Robert Surcouf, la terreur des Anglais. C'était "la Clarisse", sur laquelle l’intrépide marin avait accompli dans la mer des Indes quelques-uns de ses merveilleux exploits.

En passant près du corsaire, les pêcheurs Jaguens qui fuyaient devant la tempête avertirent les officiers du peu de sûreté de leur mouillage et les engagèrent à se haler prudemment dans le port des Ebihens . A ces sages avertissements, officiers et matelots répondirent par des quolibets et des railleries, depuis longtemps en usage à l'adresse des Jaguens. Alors un des patrons : "Vous ne voulez pas nous croire, leur dit-il, et bien, demain matin, vous aurez tous la goule dans le sable !"

Et malheureusement la prédiction ne se réalisa que trop bien. En effet, le lendemain, au point du jour, une sinistre nouvelle .se répandit : "La Clarisse avait chassé sur ses ancres et se brisait sur la Cherbotière !"

En un instant, la population entière est sur le rivage. Tous rivalisent d’efforts pour sauver le malheureux équipage ; les pêcheurs essaient de sortir du Châtelet, par vent debout et une mer démontée; mais ils ne peuvent y réussir : -tout est inutile ! Il n'y a plus qu'à assister impuissant au désastre. Debout sur la falaise, le recteur de Saint-Jacut, le vénérable M. Quétissant, donne une absolution générale aux naufragés...

Bientôt "la Clarisse" est réduite en mille pièces, et quatre-vingts cadavres, l’équipage à peu près tout entier, jonchent la plage une dizaine d' hommes seulement purent être sauvés et ,reçurent au presbytère _les soins les plus dévoués et les plus charitables.

On recueilli pieusement les cadavres. Mais le cimetière de Saint-Jacut était trop petit pour cette soudaine moisson de morts. Alors on prit le parti de les inhumer dans un terrain communal, situé à l'extrémité sud du sillon, au lieu encore appelé aujourd’hui les cimetières neufs ; et une croix fut plantée sur la tombe commune de ces braves que la mitraille anglaise avait respectés, mais que la mer plus cruelle venait d’engloutir. Plus tard, le champ de leur sépulture étant devenu une propriété privée, en 1863, à la suite d'une mission ou jubilé, leurs osse­ments furent exhumés avec respect et transportés un peu plus au nord ; et, pour remplacer l'ancienne croix tombant de vétusté, fut élevée la croix nouvelle qui s'y dresse aujourd'hui.Une inscription placée sur le piédestal rappelle, en même temps que le souvenir de la mission, celui de l'inhumation des marins de "la Clarisse", et une grille en fer, due, comme la croix, à la générosité d'un habitant de ta paroisse, protège ta place où reposent ces braves !

Requiescant in pace !

L'Abbé Th. JUHEL

 

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