LA MILICE FACE AUX INCURSIONS ANGLAISES

Extrait de "Roz sur Couesnon, recherches autour d'une commune rurale du pays de Dol",
en collaboration avec Michel Pelé.
Année 2000

   LE DÉBARQUEMENT DE CANCALE

   LE DÉBARQUEMENT DE SAINT-CAST

   BIBLIOGRAPHIE

LE DÉBARQUEMENT DE CANCALE


 

       C'est en pleine guerre de "Sept ans", en 1758 que la milice garde-côtes va devoir, par deux fois, faire face à l'ennemi.      

       Le dimanche 4 juin 1758 une escadre anglaise d'une centaine de navires est signalée devant Saint-Malo. Le lendemain elle débarque environ 15000 hommes à Cancale (15bataillonsd'infanterie, 9 escadrons de dragons, 400 artilleurs, sous les ordres du duc de Malborough.)
       Après avoir neutralisé le fort par des tirs continus les Anglais construisirent près du bourg de Cancale un camp fortifié au dessus de La Houle. 

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  Si l'on se réfère aux notes de M. Juhel de la Plesse : "Les ennemis pillèrent et violèrent à Cancale et aux environs les paroisses de Saint-Coulomb, Paramé, Saint-Ideuc, Saint-Méloir, Saint-Benoît, Ville-de-la-Marine et Hirel, plusieurs villages furent détruits et brûlés".(3)

  Les Anglais poussent des reconnaissances vers Saint-Malo, leur objectif principal. Le 7 juin,ils sont à Paramé avec 4000 fantassins et 300 cavaliers. Dans la nuit du 8 au 9ils partent, munis d'échelles, investir Saint-Malo. Mais un orage d'une exceptionnelle violence va les en empêcher.

          Ils repartiront après avoir incendié la corderie de Saint-Servan et mis le feu à tous les bateaux dans le port de Trichet et de Solidor.       

      Une colonne forte de 2000 fantassins et 500 cavaliers rentre à Dol le vendredi 9 juin à 6heures du soir : "Pour le logement, la plupart se contenta des écuries et des porches; en un mot jamais troupe ne nous a passé qui ait moins gêné l'habitant... " (3)

        Dans sa lettre du 13 juin l'Intendant des Armées du Roi note : "Les commandants soupèrent chez M. de La Turrie et chez Latouche-Audouin, ils y vécurent en vrais amis et en bons convives... " (3)     "...le lendemain, ils détachèrent environ 500 hommes pour aller à la rencontre et même attaquer Pontorson. Leurs coureurs trouvèrent des troupes, il y eut même une escarmouche entre quatre dragons du régiment du Languedoc et huit Anglais. Les quatre dragons repoussèrent les huit anglais ; mais la chaleur les ayant emporté trop loin, deux dragons furent faits prisonniers. Après quoi le détachement anglais reveint à Dol. Plusieurs exprès furent arrêtés surle chemin de Dol ; d'autres à Dol même. Enfin les anglais ne pouvant douter du secours des troupes qui dévoient arriver par Pontorson et autres endroits de la Normandie évacuèrent Dol avec précipitation, mais aussi beaucoup d'ordre". (3)

        Le 10 juin vers 11 heures du matin ils quitteront Dol et ses environs sans y avoir fait de dommages pour réembarquer le 12 et disparaître le 16.        Comment se comportèrent les gardes-côtes durant cette descente des Anglais ? Nous les avons par une lettre, ou plutôt un brouillon de lettre de leur Capitaine, Henri Le Poitevin de la Crochardière, lettre écrite à sa cousine Henriette Arondel. Il y fait état de difficultés pour rassembler la troupe :        "Quelque diligence que pût faire chaque capitaine pour assembler sa troupe, la plupart furent obligés départir avec le peu qu'il put recueillir. " (4)

        A l'anse de Verger il poursuit :  "J'y ai trouvé notre aide major avec 12 ou 15 soldats ; nous y fîmes de mauvais sang en attendant les 3 compagnies qui devaient s'y trouver et dont il ne vint pas 30hommes.

        Lorsque le feu de battrie de la Houle et des frégates eut cessé ,j'aperçus un cavalier ; je courus au devant de luy et il m'annonça que l'ennemi était à terre ; que le bataillon de Boulonnais qu'on disait n'avoir qu'une cartouche avait aussitôt fait demi-tour à droite pour se retirer et que lepeu qui s'y trouvait de gardes-côtes ne se montant pas à deux compagnies, avait eu ordre de suivre Boulonnais, qui avait pour avant garde quelques dragons.

        En effet, exposés au pied d'un mur très élevé, du côté du plus fort orage, sur le bord, ou peu éloignés du bord de la mer, inondés, dans l'eau à my jambe sur l'égout de la ville, nous recevions la réflection des éclairs continuels, qui d'ailleurs réfléchis par la mer semblaient encore se multiplyer et s'accroître, ainsi que le bruit du tonnerre. Nous étions infectés de la puanteur de cet égout, que l'abondance de la pluie faisait dégorger. Et dans le court intervalle des éclairs, le spectacle des vaisseaux embrasés, dont les flammes étaient réfléchies par la mer, mettait le comble à l'horreur de cette nuit.

 
       Nous sortîmes de ce poste vers les cinq heures et demie du matin, n'ayant aucun fusil en état de faire feu, et vers six à sept heures, nous pûmes nous coucher pour la première fois, qui fut la seule de tout le temps de notre petite campagne. Encore y eut-il une partie de nos hommes et officiers commandés pour les travaux, le reste de la journée... " (4)

    Cependant la garde-côte continua son service jusqu'au départ des Anglais.

Le 10 juin, elle est à Saint-Jouan ; au milieu de la nuit M. d'Aubigny, maréchal de camp, qui vient de Châteauneuf,l'emmène vers Paramé, le 11 vers trois heures du matin.  La nuit suivante, elle est au village de Saint-Vincent en Saint-Coulomb. Elle ne sera congédiée que le samedi 17 juin,après que la flotte anglaise eut mis la voile.

        Qu'en est-il des compagnies de Roz ?

        La compagnie du guet sous les ordres du capitaine Guiller de la Roche-Blanche ne semble pas avoir participé de près au combat.

        La compagnie détachée de Roz, forte de 51 hommes, sous les ordres du capitaine de Saint Pair de Carlac ( le manoir de Carlac était situé en Saint-Broladre - Banéat.Tome3, p 350), du lieutenant : Duynes de la Bégocière et de l'enseigne Longchamp-Poulain participera à ce que le rapport du 12 septembre 1758 nomme pudiquement l'affaire de Cancale : elle y perdra son lieutenant Bonaventure, François Duynes, sieur de la Bégocière (marié le 4 septembre 1742 avec Louise Guillier) II fut tué à l'assaut des Anglais le 5 juin, il avait 41 ans,et fut inhumé le surlendemain à Cancale. Son service d'enterrement eut lieu à Roz le 4 juillet(5). C'était le frère de Julien Gabriel Duynes qui fut recteur de Saint-Georges.

         Cinq miliciens de Roz furent faits prisonniers. Dans l'action la compagnie perdit "7 fusils -dont un fusil crevé en tirant-, 15 baïonnettes, 7 baguettes, 13 fourreaux de baïonnettes, et 5 pulvérins"'(1)

         On peut penser qu'il y eut des blessés car la revue du 12 septembre n'aligne plus que 46hommes.

LE DEBARQUEMENT DE SAINT-CAST

        Le 3 septembre 1758, une flotte d'une centaine de navires passait devant Saint-Malo pour débarquer le lendemain à Saint-Briac (dans l'anse de la Fosse). Forte d'environ 9000 hommes, dont 400 dragons, ce corps expéditionnaire anglais était placé sous le commandement du général Blight.

        Ils s'avancèrent par Ploubalay mais furent arrêtés au passage de l'Arguenon au Guildo. Stoppés par une centaine de volontaires recrutés à la hâte par Rioust de Villaudrens qui, solidement retranchés résistèrent plus de deux jours. Délai qui permi au duc d'Aiguillonde rassembler les milices : bataillons de Dol, de Saint-Malo puis ceux des régions de Treguier,Dinan, Morlaix, Brest et Saint-Brieuc. Cette mobilisation fut réalisée en un temps record pour l'époque.

        A l'aube du 11 septembre, ce fut le choc de Saint-Cast. En quelques heures 1200 Anglais furent tués, 800 autres faits prisonniers, les survivants harcelés à la baïonnette furent contraints de regagner leurs vaisseaux.

        Côté français les estimations varient de 150 à 200 tués parmi les miliciens, volontaires et soldats réguliers. Parmi les victimes figure le capitaine de la compagnie détachée de Roz M. de Saint Pair de Carlac tué le 11 septembre.

        A partir de cette date, l'Angleterre ne tenta plus aucune action contre nos frontières maritimes.

        Les compagnies de gardes-côtes n'étaient bien sûr que des troupes d'appoint pour l'armée de métier. Mais il faut souligner que leur rôle ne fut pas nul. Elles ont formé plus du quart des effectifs du duc d'Aiguillon, qui, sans doute, aurait hésité à s'engager contre l'ennemi sans cet apport. L'histoire officielle fait peu de cas de ces batailles ; lors du centenaire de celle de Saint-Cast on éleva une colonne granitique de 18 mètres de hauteur et de 1,20 mètre de diamètre ; un bas-relief y représente le léopard anglais terrassé par l'hermine bretonne. Frédéric de LaNoue évoquera la gloire de ces soldats et de ces paysans par ces vers  (6) :

"Tous firent leur devoir, les soldats de la France.
Et les enfants d'un sol altéré de vengeance
s'élancèrent pareils de courage et d'honneur.
Les simples fils des champs près des fils de Versailles
tinrent ferme à l'envi sous le feu des batailles,
pour toujours égaux par le coeur."

BIBLIOGRAPHIE

(1) Archives  historiques des Armées, Pavillon des Armes du château deVincennes, B P 108    00481 Armées. Dossiers XD IQQ. 101 pt 1Q2. registres YC 673 à 67.

(2) Gardes côtes et batteries de côtes de la région malouine. 1936, et Historique des batteries de Côtes de l'arrondissement de Saint-Malo 1935, Abbé J- Descottes, L. Henonéditeur à Saint-Servan.

(3) Livre de remarques, René Juhel de la Plesse, 1771, Copie consultée à la Bibliothèque    de l'Association François Duine à Dol-de-Bretagne

(4) Incursion des Anglais à Dol et la garde-côtes du littoral de Saint-malo au milieu du XVIIIè siècle, Michel Duval, Le Rouget de Dol, n° 53, 1er semestre 1988

(5) La défense de  la région malouine au, Rennes, 1991, copie consultée à la bibliothèque de Saint-Malo.

(6) Histoire et mémoire de Miniac-Morvan, n° 6, décembre 1996 Joël Sorette

(7) Manuscrit de Paul Paris Jallobert, Paroisse de Roz-sur-Couesnon, Copie consultée à la   bibliothèque municipale de Saint-Malo.

(8) La mer et la révolution dans les Côtes du Nord, Guy de Sallier-Dupin, Les Presses Bretonnes, Saint-Brieuc 1992.

(9) Les corps de garde, Conférence et exposition organisée Par l'Association culturelle de   Pleboulle (22550), Monsieur Poujade, août 1996.

(10) La milice de l'Ancien Régime en Bretagne, Yvonick Danard et Armelle Gautier Revue  historique des Armées, n° 4, 1996, B.P. 108, 00481 Armées.In :René Le Doaré (+),

Roz sur Couesnon, recherches autour d'une commune rurale du pays de Dol, en collaboration avec Michel Pelé. 2000.-----

Germain Baudre, La descente anglaise à Cancale in Annales d'Ille et Vilaine, tome LIV.

Pierre Lepage, La descente des anglais à Cancale, 5 juin 1758, in Le Rouget
de Dol, n° 64, 2 semestre 1993.

Michel Duval, Incursion des anglais à Dol les 9 et 10 juin 1758, in Le
Rouget de Dol, n° 53, 1er semestre 1988.

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Dernière mise à jour :  03 juin, 2002   -  Jean-Paul Trotin