Voici un récit
de mon beau-père sur la libération de
Dol.
Il cite des gendarmes de Cancale dont
le témoignage aurait sauvé Dol des
bombardements américains.
Qui peuvent être ces gendarmes ?
Michel Pelé
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Je
vais vous décrire, telle que je la vécus, la
libération du pays de Dol.
Les Américains arrivent à
Ville-Chérel, tandis que les Allemands
fuient à travers champs et chemins creux,
incendiant sur leur passage le château de l'Angevinière,
et se regroupent à Dol.
La route nationale Dol
Pontorson est absolument déserte ; il serait
dangereux de s'y aventurer. Pourtant, dans
les champs, les cultivateurs vaquent à leurs
occupations habituelles, tandis qu'avec mon
beau-frère Louis Prêté, réfugié chez moi,
intéressés par l'avance américaine, je vais
observer celle-ci de très près.
2 août 1944 :
A cinq heures du matin, se
dirigeant vers Rennes et ailleurs, les
Américains passent sur la route de
Pleine-Fougères à La Boussac.
A quinze heures, route
Pontorson Dol, passage de trois véhicules
américains: une auto mitrailleuse et une
Jeep (celles qui allaient être détruites sur
les Rolandières) et la Jeep des officiers
(stoppée à la Ville Jean) qu'occupaient un
capitaine, deux officiers, tous trois
parlant français et à qui ma petite fille
offrit des glaïeuls aux couleurs nationales,
au moment même où retentissent les coups de
feu détruisant les premiers éléments
américains aux Rolandières.
Nous allions fêter la
libération de Dol, mais il faut faire
demi-tour, il est encore trop tôt. L'armée
américaine passe alors par la Claie et
emprunte les petites routes conduisant à La
Boussac et Epiniac.
3 août 1944 :
L'artillerie américaine et une
très forte infanterie s'implantent dans
toute la région des Tertres de la Claie,
Rougé et environs. Toutes les hauteurs
dominant Dol à l'est en sont occupées et
pourtant toujours les cultivateurs
travaillent aux champs, moissonnent même. La
campagne est semée de pièces d' artillerie
de tous calibres. Les Américains mettent le
feu à l'un de leurs chars en panne au Loup
Pendu, craignant qu'il ne fut par la suite
utilisé par les Allemands et redoutant une
avance de ceux-ci.
4 août 1944 :
Journée décisive. Ayant fait
connaissance avec des officiers américains à
qui nous venons d'offrir du lait, ceux-ci
nous apprennent qu'une forte résistance
allemande, six mille hommes, les attend à
Dol et que dès le brouillard tombé,
l'attaque allait commencer avec bombardement
de la ville.
Mon beau-frère et moi-même,
voulant tout voir et observer l'avance
américaine, nous traversons dans l'euphorie
d'une libération toute neuve de nos villages
les camps américains installés sur nos
collines. Parmi les pièces de canon, et très
bien accueillis par les libérateurs, nous
nous dirigeons sur Saint-Broladre pour voir
ce qui s'y passe.
A ce moment, les Dolois
réfugiés sur la Banche arrivent se
ravitailler en pain à Saint-Broladre et
c'est ainsi que nous leur apprenons que les
Américains étaient depuis deux jours chez
nous. Ils n'osent y croire, mais nous
confirmons leur présence en leur montrant
billets, monnaie et cigarettes.
Et je crois pouvoir dire que
c'est ici qu'une des phases les plus
importantes de la libération de Dol va
commencer.
Comment
Dol a échappé au bombardement
Deux gendarmes français arrivent à vélo de
la route de Cherrueix à Saint-Broladre et me
demandent :
Est-ce que les Américains sont à St Georges
? Nous allons pour les voir... Non seulement
à St Georges, leur réponds-je, mais ici à
trois kilomètres. Si vous voulez
m'accompagner, j'y retourne !
Ces gendarmes sont de Cancale
et, chemin faisant, je leur apprends qu'ils
allaient même assister au bombardement de
Dol où existe une résistance de 6000
allemands !
Mais il n'y en a plus me répondent-ils, ils
sont tous partis pour Saint-Malo...
Stupéfait, je leur crie : " Ah ! C'est
vrai ? ....Faisons vite... ", et c'est en
courant, vélo à la main, que l'on termine la
côte du Chemin Creux.
Puis, nous rencontrons à deux
kilomètres la première Jeep, ceci à la Croix
de Rougé. Tous les trois, nous faisons signe
aux occupants de cette voiture et ils
stoppent aussitôt. De nos explications, ils
ne comprennent rien, ne parlant pas
français, mais voyant notre insistance et
devinant tout de même que l'on voulait voir
leur chef, ils nous font signe de les
suivre. Nous nous accrochons à la Jeep pour
gagner du temps et ils nous emmènent à
Langotière où est installé le quartier
général.
Là, nous sommes reçus par
l'interprète, un soldat étudiant en médecine
et né de parents français, et c'est moi-même
qui fit la déclaration de nos démarches.
Aussitôt, le chef est appelé,
les gendarmes de Cancale se présentent et
l'un se déclare chef de la résistance de
cette ville ; ils ajoutent des précisions
sur les Allemands évacués de Dol et
plusieurs renseignements sur la côte. Tout
de suite, on met à notre disposition une
puissante voiture, mais seuls les gendarmes
y montent, car, ayant confirmation de la
fuite des occupants de Dol, je préférais
assister à la libération de la ville.
C'est ainsi que le bombardement
a pu être empêché "...
Je ne devais plus revoir ces
gendarmes qui pourront vous confirmer les
faits et compléter cet épisode historique.
Ce que je sais encore d'eux, c'est que leur
temps était limité pour la " passe "
allemande et que pour être exacts à l'heure
indiquée, ils furent reconduits par les
Américains jusqu'au Vivier sur Mer environ.
Qui sont ces gendarmes ? Il faudrait les
retrouver...
....Ensuite, j'ai rattrapé les premiers
éléments de l'armée libératrice à la hauteur
de la Jeep détruite. En file et au pas lent,
le fusil sous le bras, ils avançaient. De
chaque coté, les démineurs avec leurs
appareils. Pour leur donner confiance,
sachant tout danger écarté, je marche seul
devant, sur le milieu de la route...
Ceux d'entre eux qui parlent
français me disent alors qu'ils ne peuvent
m' empêcher de me faire tuer.
Mais j'en profite pour les
rassurer et pour les convaincre qu'il n'y a
plus d'ennemis à Dol.
Précis dans mon souvenir, reste
le spectacle de cette Jeep et de cette auto
mitrailleuse détruites, et aussi ces soldats
américains tués, allongés à la bifurcation
de la route de Saint-Broladre à Baguer-Pican,
héros que je me fis un devoir de fleurir.
Je revois encore l'entrée des
américains à Dol, les soldats polonais
cachés sortant de toute part et se rendant
en criant " Polnisch " aux libérateurs, et l
'après-midi, le retour des Dolois parcourant
les rues de leur ville heureux de la
retrouver libre enfin, sans dégâts, et ceci,
grâce à des gendarmes de Cancale.
Avec le plaisir de vous avoir
reporté le plus fidèlement possible ce dont
je fus témoin...
A La Boussac, le 3 octobre 1964.
Constant Nicolle.
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